Pour tester les futurs médicaments et toutes les substances qui les composent, il faut des cellules humaines. Beaucoup de cellules, plus que celles récupérées chaque année auprès des donneurs. À Rennes, l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset) et l’entreprise Biopredic caractérisent des cellules humaines de foie produites à partir de souris modifiées génétiquement afin de renforcer la sécurité de la prise en charge médicamenteuse des patients.
« Ce qui est vrai chez la souris ne l’est pas forcément chez l’homme. » Cette maxime est toujours bonne à garder en tête lorsqu’une nouvelle étude retient l’attention des médias pour vanter un futur médicament qui a obtenu de bons résultats sur une cohorte de rongeurs de laboratoire. Mais que dire lorsque ces cobayes portent un foie génétiquement modifié pour produire les mêmes cellules que celle d’un foie humain ?
« C’est à peu près ce que l’on essaie de vérifier », répond Olivier Fardel, professeur des universités en pharmacie à la Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de l’Université de Rennes et responsable de l’équipe « Xénobiotiques et Barrières » à l’Irset. Dans son laboratoire, lui et son équipe se penchent particulièrement sur le transport des médicaments à travers la membrane des cellules. Ils multiplient les partenariats sur le sujet, avec notamment une thèse Cifre avec le laboratoire rennais Biopredic et une collaboration avec l’Institut Central d’Expérimentation Animale « CIEA » situé au Japon.
« Le but de la thèse Cifre est de vérifier que ces hépatocytes issus des foies modifiés de souris sont bien similaires, ou au moins équivalents, aux hépatocytes issus de patients », continue le chercheur. « Si nous validons ces hépatocytes de souris humanisées appelées TK-NOG, les industriels pharmaceutiques pourront les utiliser pour tester de futurs médicaments. »
L’intérêt de ces hépatocytes humains produits par des souris est énorme. Les nouveaux médicaments sont en effet testés, d’abord « in vitro », sur des cellules humaines en laboratoire, puis « in vivo », c’est-à-dire au contact de vrais malades. Pour les tests « in vitro », des cultures de cellules de foies humains issus de donneurs existent, mais ne permettent pas d’obtenir de grandes quantités de cellules. De plus, il faut des donneurs humains et leur nombre ne suffit pas à la quantité de recherche effectuée par les laboratoires et les industriels du monde entier. Avec les hépatocytes TK-NOG, c’est tout un secteur qui obtiendrait une nouvelle matière première.
Une question de santé publique
Ce nouveau moyen de production permettrait de répondre à la croissance de tests demandés par les autorités réglementaires, notamment en ce qui concerne les transporteurs de médicaments à travers la membrane cellulaire. Depuis 2012, la Food and Drug Administration aux États-Unis et l’Agence européenne des médicaments demandent la caractérisation de toutes les « small molecules » vis-à-vis de ces transporteurs. En d’autres termes, les industriels sont contrôlés sur la composition de la substance active du médicament mais également sur l’ensemble des éléments qui vont assurer l’absorption, le métabolisme et l’élimination du remède et sur les éventuelles interactions avec d’autres médicaments. L’objectif est de santé publique : il s’agit de lutter contre les potentiels effets toxiques du candidat médicament.
« C’est aux industriels de prévenir de toutes les interactions négatives qui pourraient advenir », précise Olivier Fardel, qui travaille sur le sujet depuis plus de vingt ans. « Nous répondons régulièrement aux besoins d’expertises de l’industrie pharmaceutique. Notre travail est par exemple de développer des modèles d’études. »
Entre Biopredic et l’Irset, la relation ne se cantonne pas à la prestation de service. Olivier Fardel vante un partenariat local entre les deux laboratoires domiciliés à Rennes. « Il y a un vrai échange scientifique et cela donne du concret à nos propres recherches sur la cinétique des médicaments. Ils ont des questions et nous avons une expertise. » Et lorsqu’une question ne trouve pas de réponse, l’appétit du chercheur se réveille et de nouveau axes de recherche peuvent s’ouvrir au sein de l’Irset.