Des moyens engagés à la mesure des responsabilités
Recevoir de l'Europe 10 millions d'euros sur 6 ans, avec la responsabilité de tout mettre en œuvre pour résoudre un problème scientifique majeur et ainsi tenter d'améliorer la vie de millions de personnes : c'est ce que vient de réussir Fabrice Wendling, directeur de recherche Inserm au LTSI et coordinateur du projet ERC Synergy Galvani.
Avec ses collègues Fabrice Bartolomei, professeur de neurologie (Aix-Marseille Université/APHM) et Giulio Ruffini, biophysicien à Barcelone (Starlab, Neuroelectrics), le chercheur rennais est persuadé du potentiel thérapeutique de la stimulation transcrânienne par courants faibles : de premières expériences ont montré que cette technique parvenait à neuromoduler des réseaux cérébraux spécifiques de l'épilepsie, et ainsi à réduire le nombre de crises chez certains patients.
Une technique prometteuse mais encore mal comprise, des résultats limités
L'intérêt est que la mise en œuvre de cette technique repose sur un casque à électrodes, simplement posé sur la tête du patient lors des séances de traitement, et qui agit par émission de courants électriques très faibles à travers le scalp, de manière non invasive et sans dangerosité.
Bien que des effets prometteurs aient été observés, il y a aujourd'hui deux limites principales aux résultats obtenus par cette technique :
- le nombre de patients testés reste faible (17), et une réduction significative du nombre de crises n'est intervenue que sur 47% d'entre eux ;
- surtout, on ne comprend pas aujourd'hui comment cette technique fonctionne !
Faire sauter d'importants verrous scientifiques et technologiques
Pour espérer améliorer l'efficacité de cette approche, il faut construire une connaissance scientifique précise de l'interaction entre les champs électriques émis par le casque et les neurones du patient, avec ses effets à court et à long terme. Tout cela est très mal connu aujourd'hui.
Ce point est fondamental, car les réseaux cérébraux responsables de l'épilepsie diffèrent chez chaque patient.
Il faut donc construire des modèles capables à la fois d'en caractériser l'activité personne par personne, et d'intégrer pour chacune l'action du champ électrique produit par le casque.
L'objectif est de diminuer la fréquence des crises, et si possible d'obtenir à terme un effet de "recâblage" neuronal susceptible de supprimer la cause même de ces crises, en ramenant les réseaux épileptogènes à une activité non pathologique.
Quant à l'appareillage lui-même, il doit évoluer pour devenir capable de proposer une stimulation personnalisée en de multiples points du scalp. Le dispositif doit être aussi simple que possible à mettre en œuvre pour le médecin d'abord, le patient lui-même ensuite.
Une approche intégrée unique au monde
La force du projet Galvani, c'est d'associer des équipes expertes en modélisation (Fabrice Wendling à Rennes), en neurologie et épileptologie (Fabrice Bartolomei à Marseille) et en biophysique appliquée (Giulio Ruffini).
De la recherche fondamentale à la fabrication de dispositifs médicaux, les importants moyens alloués dans le cadre de l'ERC Synergy permettront le changement d'échelle de la collaboration dirigée par les trois scientifiques, déjà très active depuis plus de 10 ans.
Les programmes européens, une opportunité extraordinaire pour le soutien à la recherche
Un projet ERC Synergy tel que Galvani requiert des mois de préparation pour son montage, avant d'être présenté au jury d'experts internationaux de l'ERC (10 minutes précises d'audition pour l'oral de la sélection, 35 minutes de questions).
En tant que coordinateur du projet, Fabrice Wendling et son équipe du LTSI ont bénéficié du soutien de Rennes Métropole (pour l'équipement EEG-HR installé au CHU), de la Région Bretagne (programme Boost'Europe) et de la cellule ERC de l'Inserm.
En Bretagne, la plateforme mutualisée 2PE d'ingénierie de projets européens est placée par la Région au service des enseignants-/chercheurs qui souhaitent monter un tel projet.
D'où vient le nom du projet Galvani ?
Physicien et médecin italien (1737-1798), Luigi Galvani obtient en 1786 la contraction des muscles d'une grenouille en touchant ses nerfs avec une paire de ciseaux pendant un orage, avant de confirmer par des expériences ultérieures que cette contraction est liée à l'activité électrique. Galvani peut être ainsi considéré comme le fondateur de l'électrophysiologie.
Dans son Essai sur le galvanisme paru en français en 1804, Giovanni Aldini, neveu de Galvani, relate ses tentatives de traiter les affections mentales à l’aide de décharges électriques administrées au cerveau par voie transcrânienne.