KEMIWATT, startup issue d'un laboratoire en co-tutelle Université de Rennes 1, lauréate du Concours mondial d’innovation

La startup a développé le stockage de l’énergie via une technologie de batterie redox à électrolytes biodégradables et recyclables. Cette avancée lui a valu de remporter le Concours mondial d'innovation, organisé sous l'égide du ministère français de l'Économie et des Finances. L'innovation développée par KEMIWATT est issue de travaux de recherche conduits à l'Institut des sciences chimiques de Rennes (Université de Rennes 1/CNRS/ENSCR/INSA Rennes).
KEMWATT

La compétitivité des sources intermittentes de production d’énergie par rapport aux productions traditionnelles impose aux infrastructures électriques une grande adaptabilité. Elle permet également d’envisager de nouvelles approches pour la fourniture d’électricité dans des zones qui aujourd’hui ne sont pas, ou mal connectées aux réseaux nationaux. Le stockage apporte la flexibilité nécessaire pour répondre à ces nouveaux besoins.
Startup issue des laboratoires de l'Université de Rennes 1 et des travaux menés par l'équipe "Matière condensée et systèmes électroactifs" de l'Institut des sciences chimiques de Rennes, KEMIWATT apporte, en produisant le premier démonstrateur industriel mondial d’une batterie redox avec des molécules organiques, biodégradables et recyclables, une réponse compétitive aux demandes des marchés du monde entier. En effet, la solution se définit par sa grande simplicité et sa robustesse

  • plus de 10 000 cycles
  • très faible maintenance
  • longue durée de vie (20 ans)
  • faible sensibilité aux températures élevées
  • garanties de sécurité élevées (pas de risque au feu, pas de dégagement de gaz, pas de risque d’explosion)
  • respect de l’environnement avec ses molécules biodégradables et recyclables (une caractéristique exceptionnelle dans le monde du stockage de l’énergie)
  • capacité à dissocier la puissance et l’énergie offrent des opportunités nouvelles par rapport aux autres technologies de stockage.

Stocker de l'énergie ?

Nous vivons une véritable révolution : le coût des énergies renouvelables dites « propres » et « décarbonées » devient inférieur à celui des énergies fossiles. Les utiliser, ce ne sera plus seulement agir en conscience, mais aussi faire des économies.
Pourtant, même si l’on voit des éoliennes s’installer et des cellules photovoltaïques apparaître sur les toits, cette transition énergétique est freinée par un obstacle majeur : la production des énergies solaire et éolienne est irrégulière et non prévisible, alors que les besoins en électricité sont beaucoup plus constants et suivent un rythme relativement régulier (fort le jour, faible la nuit, plus fort en hiver qu’en été à cause des besoins en chauffage).
Par exemple : si le vent souffle fort pendant la nuit lors d’un week-end estival, les éoliennes peuvent produire trop d’électricité par rapport aux besoins du réseau. À l’inverse, en France métropolitaine, le solaire est moins efficace en hiver, au moment où les besoins en chauffage sont importants.

On a donc besoin de batteries qui jouent le rôle de « tampon » entre les éoliennes ou les fermes solaires et le réseau de distribution d’électricité. Les batteries se chargent en écrêtant les pics de production excessive. Elles se déchargent en compensant les creux de production. Mais la quantité d’énergie à stocker est potentiellement énorme : aujourd’hui, une seule éolienne est capable de produire couramment 1MW (1 million de watts). Les batteries à utiliser pour réguler la production maximale d’un champ d’éoliennes ont la dimension de plusieurs containers, et leur coût est à l’échelle.

Redox flow

Sachant qu’une batterie classique revient très cher, il devient problématique de dimensionner le nombre que l’on doit utiliser pour créer le « tampon » entre la source de production et le réseau. Une centrale solaire, par exemple, ne fournira sa production maximale que lors des plus longues journées ensoleillées de l’année. Si l’on achète le nombre nécessaire de batteries pour réguler la production ces journées-là, elles seront sous-utilisées tout le reste du temps : ce n’est pas viable, ni économiquement, ni vis-à-vis de l’environnement.

Or, une technologie vieille de 130 ans se révèle très prometteuse et connaît ces toutes dernières années un regain d’intérêt : la batterie à électrolyte circulant (« redox flow » en anglais). Celle-ci stocke l’électricité sous forme d’énergie chimique dans des liquides (les électrolytes) particuliers, circulant à travers des électrodes constituées de feutres de graphite, qui se dégradent beaucoup moins que dans une batterie classique.

© CC

Pour moduler la capacité de la batterie, et donc s’adapter à la variabilité de production de l’éolien ou du solaire, il suffit d’augmenter ou de réduire le volume de liquide. Cela revient bien moins cher que l’ajout ou le retrait d’une batterie classique : problème résolu ?
Pas tout à fait, car les batteries « redox flow » en service aujourd’hui utilisent du vanadium, un métal qui implique l’utilisation de solutions chimiques très acides, d’où de multiples difficultés liées à la corrosion des circuits et au risque environnemental, entre autres.

De la thèse à la levée de fonds

À Rennes, des travaux conduit par Didier Floner, maître de conférences à l'Université de Rennes 1, et Florence Geneste, directrice de recherche CNRS, promettent de révolutionner ces batteries. Les deux chercheurs de l’Institut des sciences chimiques de Rennes sont membres d’une équipe, MACSE, qui a déjà une longue expérience dans les batteries à percolation, sachant en outre que la thèse de Didier Floner portait sur les piles à combustibles. Lui et Florence Geneste sont partis de travaux portant sur la métallisation des électrodes de graphite, pour en améliorer la conductivité. Peu à peu, ils se sont tournés vers l’amélioration des électrolytes eux-mêmes.

Au laboratoire, Didier Floner et Florence Geneste comprennent rapidement l’intérêt de la chimie qu’ils développent : les molécules organiques dont ils réalisent la synthèse en milieu basique présentent une excellente capacité à stocker l’électricité.
Appliquée au batteries dites « redox », cette chimie permet de remplacer le métal vanadium couramment utilisé dans ces dispositifs par des molécules organiques biodégradables, et la solution acide par une base, nettement moins corrosive. Cela diminue le coût économique et environnemental de fabrication de la batterie elle-même, mais aussi de son fonctionnement. Quant à la durée de vie, elle s’étend sur plusieurs milliers de cycles recharge/décharge.

Incités par la SATT Ouest Valorisation à créer une startup pour tenter de transposer leur découverte du laboratoire à l’industrie, les scientifiques se sont associés aux compétences d’un entrepreneur, François Huber. Le trio crée la société IonWatt en août 2014, avec une levée de fonds initiale de 800 000 euros obtenue lors d’un tour de table rassemblé grâce au réseau de la SATT.

L’objectif est d’aller vite pour construire une batterie capable de délivrer une puissance compatible avec les applications industrielles. La réussite de la fabrication d’un premier prototype délivrant de 10 à 20 kW a permis de passer à l’étape suivante, avec une deuxième levée de fonds d’1.2 million d’euros en 2016.

En 2017, trois ans à peine après sa fondation, l’objectif de construire un démonstrateur dimensionné à l’échelle industrielle a été atteint : la dernière version de la batterie mise au point par la startup, désormais baptisée Kemiwatt, atteint les 30 kW annoncés. Le container contenant le démonstrateur va bientôt réaliser des tests opérationnels pour ses premiers clients.

Version intermédiaire de la batterie KEMIWATT ayant précédé le démonstrateur industriel (30 kW) © UR1/DirCom/JLB

Un travail pionnier

Bien des difficultés ont dû être surmontées pour en arriver là. Pour l’anecdote, les fondateurs de Kemiwatt rappellent qu’il a fallu commencer par la plomberie, puisque la batterie est le siège de mouvements permanents de fluides circulant dans nombre de tuyaux grâce à des pompes.

KEMIWATT © Typhaine Lambart-Diouf

Mais plus sérieusement, le plus grand défi a bien sûr été la synthèse de molécules organiques capables de convertir l’électricité en énergie chimique, et inversement, de manière efficace et stable dans le temps, le tout en combinaison avec une solution basique (pH de 12 à 14). « À ces échelles, les modèles scientifiques existants ne fonctionnent plus », souligne Didier Floner. « Il nous faut tout inventer, il s’agit véritablement d’un travail pionnier qui occupe un très petit nombre d’équipes au monde, dont Harvard, et Berkeley avec qui nous travaillons. »

Notre feuille de route était d’aller vite, dans un secteur hautement compétitif, doté d’un marché potentiel absolument colossal. Il existe une trentaine de sociétés au monde qui travaillent sur les batteries redox flow. Cinq explorent une formulation chimique comparable à la nôtre, et nous sommes les seuls à avoir atteint le stade industriel.
C’est la performance de l’écosystème de recherche rennais et le soutien de la SATT qui ont permis à Kemiwatt de gagner cette étape, mais la course est loin d’être terminée. Durant la phase d’expérimentation, nous travaillons pour que nos premiers clients soient des grands comptes, des gestionnaires de parcs de production d’énergie renouvelables, des collectivités locales, mais aussi des villages ou des industriels en pays émergents… Les deux prochaines années seront décisives !

François Huber

Le Concours mondial d’innovation

L’obtention de la phase II, dite de "levée de risques" du Concours mondial d’innovation confirme tout le potentiel de la technologie développée par KEMIWATT. Cette récompense, avec la réalisation d’un système de 100kW, va accélérer le développement technologique de KEMIWATT ainsi que le déploiement de systèmes de démonstration pour préparer l’accès aux marchés de ses produits commerciaux.
En effet la brique de 100 kW permettra de répondre aux besoins spécifiques du segment des micro-réseaux et constituera l’élément de base pour les systèmes proches ou supérieurs au MW destinés aux marchés de l’intégration des renouvelables et des services réseaux.

Le Concours mondial d’innovation vise à financer des projets innovants portés par des entreprises et à créer les "champions" français de demain, créateurs de valeur, d’exportations et d’emplois. Le concours, soutenu par la Commission Innovation 2030 et le Programme d’investissements d’avenir, est divisé en trois phases : l’amorçage, la levée de risque et le développement.
Après les 72 projets sélectionnés en phase I en 2016, une nouvelle phase II de levée de risque a été lancée en 2017. Cette phase a pour but d’accompagner des entreprises dans le développement de leur innovation. Une trentaine de projets, portant chacun sur une des huit ambitions définies par la Commission Innovation 2030, ont été sélectionnés. Chaque projet lauréat recevra un soutien pour ses dépenses d'innovation d'un ordre de grandeur de 1 à 3 M€, sous formes de subventions et d'avances récupérables.