Aujourd’hui, personne ne sait prédire la durée de vie d’une mousse. Ce problème d’apparence simple recouvre en effet une réalité complexe, liée à l’organisation particulière du liquide et du gaz dans ce matériau: des films de savon d’épaisseur micrométrique séparent des bulles de gaz, et ces films se rejoignent entre eux le long de ménisques plus épais.
« Pour progresser, il va nous falloir mesurer très précisément deux choses : les champs de vitesse aux deux interfaces du film, et son épaisseur en un grand nombre de points », indique Isabelle Cantat.
« Des modèles numériques simplifiés seront développés en parallèle des expériences. Cela permettra de vérifier si les résultats des simulations s’accordent à la réalité, et ainsi de tester des hypothèses théoriques. Avec un peu de chance, nous pourrons identifier les phénomènes physiques qui jouent les rôles les plus importants dans le problème. Sans parler de la satisfaction d’avoir élucidé au moins une partie du problème, nous pourrons alors transmettre nos résultats à des collègues numériciens pour développer des modélisations 3D plus complètes », déclare Isabelle Cantat.
La constitution d’une équipe dédiée, avec l'appui des fonds ERC
Outre l’achat des caméras spécifiques nécessaires, les fonds ERC financeront sur cinq ans une décharge d’enseignement pour Isabelle Cantat, ainsi que les salaires de deux chercheurs à plein temps (doctorants et postdoctorants). Une partie du budget servira également à participer à des conférences, et à en organiser.
Perspectives
Les mousses sont utilisées dans un grand nombre de domaines. On pensera naturellement à l’agro-alimentaire et aux cosmétiques, mais les mousses sont aussi indispensables à l’extraction pétrolière et minière. L’armée les utilise également pour atténuer les ondes de choc générées par les explosions lors des déminages.
Une fois que les mécanismes à l’origine de la stabilité de la mousse et de sa tenue mécanique seront bien compris, il deviendra beaucoup plus simple d’améliorer ses propriétés.
«Imaginez par exemple que vous êtes un industriel, que vous fabriquez un produit ménager qui utilise un tensioactif pour obtenir une mousse de qualité précise », explique Isabelle Cantat. « Or on découvre un beau jour que ce tensioactif présente un risque pour l’environnement et pour la santé. Vous devez donc en changer très vite. Et bien, nos résultats permettront de définir très précisément les propriétés du nouveau tensioactif à utiliser pour produire la mousse souhaitée, d’où un gain de temps considérable par rapport aux méthodes par essai et erreur qu’on utilise aujourd’hui. »