Inhibition de la croissance du bacille de la tuberculose par une de ses toxines

Certaines bactéries produisent des toxines qui leur permettent de contrôler leur propre croissance. Des biologistes rennais ont caractérisé avec des collègues toulousains le mécanisme d’action d’une de ces toxines chez la bactérie de la tuberculose, grâce à la cryo-microscopie électronique mise en œuvre à l'Institut de génétique et développement de Rennes. Publication dans la revue Nature Communications (12 mai 2022).
Bactéries. Crédit : Pixabay

Les systèmes "toxine-antitoxine" (TA) à deux composants comprennent une toxine (le poison) et une antitoxine (l’antidote) qui la neutralise. Les toxines utilisent des stratégies très diverses et élégantes pour ralentir ou bloquer la croissance bactérienne en ciblant principalement des processus ou des structures essentielles tels que la synthèse des protéines, le cycle cellulaire ou les membranes.

Bien qu’à ce jour les conditions spécifiques qui conduisent à l’activation de ces toxines demeurent largement inconnues, ces systèmes ont été impliqués dans divers processus cellulaires, incluant la maintenance de  gènes de virulence et d’éléments génétiques mobiles, la défense contre les bactériophages, la tolérance aux antibiotiques et la virulence. En accord avec ces caractéristiques, l’étude des cibles et des mécanismes d’actions de ces toxines offre donc de nouvelles perspectives pour la découverte de nouveaux agents antibactériens.

La virulence de Mycobacterium tuberculosis, le bacille de la tuberculose, réside principalement dans ses facultés d’adaptation aux nombreux stress qu’il rencontre au cours de son cycle infectieux, en particulier sa capacité à entrer dans un état de persistance qui lui permet de survivre chez l’hôte sans causer de maladie jusqu’à ce que les conditions deviennent plus favorables à sa dissémination, comme lorsque le système immunitaire de l’hôte s’affaiblit. De façon remarquable, Mycobacterium tuberculosis a la particularité de posséder un nombre très important de systèmes TA (plus de 80), qui pourraient participer à l’établissement de la phase de persistance chez cette bactérie.

Contribution de l'Institut de génétique et développement de Rennes

Afin de mieux comprendre le fonctionnement de la toxine il était important de disposer de données structurales à l’échelle atomique afin de visualiser ses interactions avec sa cible, le ribosome. C’est cette partie du projet qui a été portée par une équipe de l’IGDR, emmenée par son directeur Reynald Gillet et Emmanuel Giudice, tous deux enseignants-chercheurs à l'Université de Rennes 1.

Pour cela, ils ont utilisé la technique de cryo-microscopie électronique (cryo-EM). Celle-ci permet de préserver par congélation rapide les propriétés des échantillons biologiques. Un microscope électronique fonctionne en effet sous vide et par irradiation d’électrons, ce qui détruirait immédiatement un échantillon biologique non préparé pour résister à l’observation. Il s’agit de la première imagerie à haute résolution par cryo-EM montrant l’ensemble des interactions d’une toxine avec le ribosome bactérien.

Référence

Substrate recognition and cryo-EM 1 structure of the ribosome-bound TAC toxin of Mycobacterium tuberculosis
Moise Mansour, Emmanuel Giudice, Xibing Xu, Hatice Akarsu, Patricia Bordes, Valérie Guillet, Donna-Joe Bigot, Nawel Slama, Gaetano D’urso, Sophie Chat, Peter Redder, Laurent Falquet, Lionel Mourey, Reynald Gillet, Pierre Genevaux
(2022) Nature Communications13 | Article number: 2641 | doi: 10.1038/s41467-022-30373-w