Guillaume Dupont-Nivet étudie les moussons du passé pour comprendre les changements du climat

Guillaume Dupont-Nivet a obtenu en février 2015 un financement du Conseil européen de la recherche (ERC) dans la catégorie « Consolidator Grant », pour un projet sur les moussons d’il y a 40 millions d’années, intitulé "Monsoons of Asia caused Greenhouse to Icehouse Cooling" (MAGIC). En détachement en Allemagne, il poursuit actuellement son projet de recherche en collaboration entre l’Université de Rennes 1 et l'Université de Potsdam.
Guillaume Dupont-Nivet - Image courtesy of CNRS/INSU

Les climatologues pensaient jusqu'à récemment que les moussons d'Asie s'expliquaient surtout par l'impact des massifs himalayen et tibétain sur la circulation atmosphérique. Or les travaux de Guillaume Dupont-Nivet publiés en 2014 dans la revue Nature (Licht et al.) ont révélé que les moussons asiatiques existaient déjà il y a 40 millions d'années, à l’Éocène, quand bien même ces deux massifs montagneux étaient bien moins hauts qu'aujourd'hui. Ils repoussent ainsi de 15 millions d’années l’âge des plus anciennes moussons connues ! Cette découverte pourrait s’expliquer par une forte concentration en CO2 dans l’atmosphère, il y a 40 millions d’années, et donc un intense effet de serre qui aurait contrebalancé la faible altitude de ces massifs et permis l’existence des moussons. Les modèles climatiques globaux montrent ensuite un affaiblissement des moussons il y a 34 millions d’années, liée à une baisse du taux de CO2 atmosphérique et à un refroidissement mondial, pour passer d'une planète chaude sans glace à une planète Terre avec de la glace aux deux pôles, comme c'est le cas de nos jours. Ce refroidissement du climat mondial reste l'une des questions les plus importantes qui se pose encore aujourd'hui à la communauté des sciences de la Terre et de l'environnement. Ce projet cherche à déterminer si les moussons asiatiques pourraient en être la cause.

Une analyse des roches nuit et jour

Pour explorer le lien entre ces moussons asiatiques et l'effet de serre, Guillaume Dupont-Nivet a lancé le projet "MAGIC" (Monsoons of Asia caused Greenhouse to Icehouse Cooling). Voyageur, le chercheur a obtenu son master à l'Université de Rennes 1, puis a soutenu sa thèse en géosciences en Arizona (É.-U.) en 2002 et a poursuivi son travail à Los Angeles, Amsterdam (Pays-Bas) et Utrecht. Il occupe depuis 2009 une chaire professorale à l'université de Pékin (Chine) et a décroché en 2010 un poste de chargé de recherche CNRS à géosciences Rennes. Aujourd’hui détaché auprès de l’université de Postdam, il continue à partager son travail entre France et Allemagne. « L’ERC m’a permis de construire des alliances », souligne le géologue. Il s’est entouré d’experts de France, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, et d’Allemagne, pour couvrir toutes les facettes de son projet. À Rennes, l’ERC a contribué à financer un robot pour l’analyse des propriétés magnétiques des roches.

« C’est un outil crucial pour mon projet qui cherche à reconstruire l’histoire de la collision Inde-Asie et des moussons. Pour atteindre ces objectifs, il faut traiter des milliers d’échantillons, ce qui se fera plus efficacement avec l’aide d’un robot traitant les échantillons nuit et jour. »

Et pour mener à bien les recherches, 4 doctorants et 5 post-doctorants ont été engagés ou le seront prochainement, à Rennes, Amsterdam et Postdam.

Les premières datations de sédiments birmans

Les premiers doctorants recrutés sont allés collecter de nouvelles données (fossiles, roches, sédiments) dans trois zones clés : le Nord-Est du Tibet, le Sud-Est de l’Asie et l’ancienne mer Paratéthys, dont on retrouve les sédiments dans plusieurs pays comme le Tadjikistan, le Kirghizistan et la Chine. « En Birmanie, on apporte les premières datations de sédiments. Les géologues n’ont pas pu avancer dans la région, du fait de la situation politique ». Dans un deuxième temps, l’équipe a œuvré au développement d’outils d’analyse, notamment pour l’étude des fossiles de pollens, et plus particulièrement la chimie de leurs membranes. « On regarde s’ils ont « bronzé » ou pas ! » En effet, leur exposition aux UV traduit les conditions d’ensoleillement ou d’altitude dans lesquelles la plante vivait.

À partir de ces travaux, Guillaume Dupont-Nivet reconstruit des cartes figurant les paléoclimats, mais aussi la position des océans et des continents. Puis les données obtenues seront intégrées dans des modèles climatiques afin de comprendre, d’une part, le rôle des moussons asiatiques vis-à-vis de l'effet de serre sur le long terme jusqu'au refroidissement glaciaire, et d’autre part, les fluctuations des niveaux de CO2 ainsi que les évènements globaux de réchauffement et/ou de refroidissement, dont la cause reste inexpliquée. Bien que la géographie de l’Éocène soit différente de l’actuelle, les recherches de Guillaume Dupont-Nivet revêtent un intérêt tout particulier dans le contexte actuel de changement climatique !