Les projets de recherche du laboratoire commun GreenCARE, inauguré le 29 mai 2018 et localisé dans les locaux de l’ISCR sur le campus de Beaulieu, visent à développer de nouveaux catalyseurs polymétalliques pour la chimie verte. En vue : la valorisation d’agro-ressources, la production de précurseurs de polymères biosourcés, ainsi que des applications telles que plastifiants, lubrifiants ou intermédiaires pharmaceutiques.
Un catalyseur ?
« Les catalyseurs sont des outils moléculaires utilisés à très faible dose qui permettent de simplifier la chimie », explique Patrick Piot, directeur général de Demeta, société membre de la Fondation Rennes 1.
Ils permettent en effet de faciliter les réactions chimiques, d’utiliser des procédés plus rapides, dans des conditions plus douces de température, de pression ou de dangerosité. Ils diminuent ainsi les coûts, notamment énergétiques, et réduisent voire éliminent les déchets.
Toxicité diminuée
« Au XXe siècle on utilisait beaucoup de catalyseurs basés sur des métaux précieux (or, osmium, platine…). Or ceux-ci coûtaient cher et étaient souvent toxiques », se souvient Frédéric Caijo, directeur scientifique de Demeta.
Au contraire, les catalyseurs polymétalliques développés au sein du LabCom GreenCARE, reposent sur l’utilisation en synergie de deux métaux non nobles, comme le fer, le cuivre, le manganèse… à la fois très abondants, et non toxiques. En comparaison des catalyseurs traditionnels, cette innovation ouvre la voie à des procédés chimiques moins onéreux, plus efficaces et plus respectueux de l’environnement.
Expertise académique
GreenCARE est fondé sur la collaboration de Demeta avec le chimiste Christophe Darcel, professeur à l’Université de Rennes 1, fort d'une expertise issue de plus de 10 ans de recherches sur l’utilisation de métaux non nobles en catalyse.
« La catalyse polymétallique, notamment avec des métaux non nobles, est étudiée depuis une vingtaine d’années seulement, contre une centaine pour la catalyse classique », souligne l'enseignant-chercheur, responsable de GreenCARE au sein de l’Université.
Optimiser la recherche des bons paramètres
En effet, les catalyseurs polymétalliques prennent de l’ampleur dans les recherches depuis le début du XXIe siècle, et les industriels s’y intéressent de plus en plus.
Mais, si le développement d’un procédé chimique basé sur un catalyseur monométallique nécessite l’ajustement de nombreux paramètres, avec deux métaux dans le système catalytique, c’est encore plus compliqué ! Le nombre de tests n’est pas seulement multiplié par deux, il est élevé au carré. Les chimistes doivent sélectionner les métaux, ajuster la quantité de métaux nécessaires, choisir comment les associer, puis travailler sur le substrat (la molécule qui subit la réaction), la température, la pression, etc.
« Nous devrons adopter des approches rationnelles : dans des perspectives d’applications industrielles à l’horizon de trois ans, on ne pourra pas se permettre de tester toutes les options », souligne Christophe Darcel.
Ainsi, l’équipe du LabCom utilise une approche réfléchie pour optimiser les tests nécessaires, dans le but de mettre au point un catalyseur polymétallique le plus efficace possible.
Suivra ensuite le développement du procédé de mise en œuvre de ce catalyseur pour valoriser ces agro-ressources.
Financement et soutiens
Le projet GreenCARE s’inscrit dans le cadre de l’Institut des sciences chimiques de Rennes, unité mixte de recherche (Université de Rennes 1/CNRS/ENSCR/INSA Rennes). Il est co-financé par l’Agence nationale de la recherche (via le label Labcom), l’Association nationale de la recherche et de la technologie et par la Région Bretagne. Demeta est membre du réseau d’entreprises tissé par la Fondation Rennes 1. Le montage du projet a bénéficié de l’appui d’Ouest Valorisation, société d’accélération du transfert de technologies.
L'intérêt d'un laboratoire commun
La valorisation de la recherche est la raison d’être d’une science expérimentale comme la chimie, souligne Christophe Darcel. Que l’industrie tire profit des résultats obtenus si les procédés sont efficaces, c’est un aboutissement. Le label LabCom est aussi une source de financement complémentaire intéressante pour l’université. C’est l’opportunité de pouvoir lever des fonds. Il ouvre la possibilité de retombées scientifiques et financières grâces aux brevets et aux licences.
Le LabCom formalise un partenariat public-privé durable avec des moyens humains et financiers conséquents. Ce n’est pas un contrat de recherche classique. L’entreprise ne délègue pas sa recherche à l’université. La recherche se fait dans un véritable esprit de co-construction avec le détachement d’un chercheur Demeta dans les locaux de l’université, précise l'enseignant-chercheur.
Article et visuels réalisés avec la contribution d'Alice Vettoretti (Plume & Sciences)