Face aux besoins toujours croissants en stockage de données informatiques, une solution envisagée est d’augmenter la densité des supports d'enregistrement magnétique, par exemple en conservant l'information à l'échelle de molécules individuelles. Dans cet objectif, Fabrice Pointillart, chargé de recherche CNRS à l'Institut des sciences chimiques de Rennes, conçoit des aimants de taille nanoscopique. Il imagine "sur le papier" de nouvelles molécules qu'il produit ensuite lui-même au laboratoire. Elles sont basées sur un ion dysprosium, élément connu pour ses propriétés magnétiques, auquel il associe une partie organique, appelée ligand, qu’il choisit parmi des composés précédemment étudiés par le laboratoire.
« Comme on connaît les propriétés des briques, on regarde ce qu’il se passe en les associant. Les propriétés ne sont exclusivement additives, cela peut donner de nouvelles propriétés ! »
L’aspect distinctif de ses recherches, associé à des résultats marquants publiés dans des revues prestigieuses, à une intense implication dans le montage de projets de recherche et à la constitution d’un solide réseau de collaborations internationales (Japon, Ukraine, Russie, Brésil, Espagne, Italie) a valu à Fabrice Pointillart de se voir décerner en 2014 la médaille de bronze du CNRS.
Jusqu’ici, l’objectif de Fabrice Pointillart était avant tout d'obtenir des molécules dotées des propriétés optimales, sans prendre en compte la compatibilité avec des processus industriels. Pour envisager des applications, il devra transformer les cristaux qu’il a créés pour en faire un matériau déposé sur une surface, plus facile à manipuler. C’est l'un des défis à relever avec le projet MULTIPROSMM (MULtiple PROperties Single Molecule Magnets), pour lequel il a obtenu un financement de l’ERC sur cinq ans.
Sur le long terme, le chercheur pourra aussi se pencher sur le problème délicat de la température. Aujourd'hui, les molécules-aimants ne fonctionnent qu'à des températures extrêmement basses (4 degrés Kelvin, soit -269,15°C), proche du zéro absolu. « Ça reste un défi mais il faut d’abord mieux comprendre ce qu’on observe. Avant de passer du temps à améliorer le processus du point de vue de la température, il nous faut d’abord vérifier que les molécules-aimant conservent leurs propriétés lorsqu’elles sont déposées sur un support ».
L’équivalent d’une carrière en cinq ans
La bourse servira majoritairement à financer du personnel : Fabrice Pointillart envisage de recruter 3 doctorants et 4 post-doctorants, pour une durée de 2 ans chacun.
« C’est un plus incroyable, l’équivalent d’une bonne partie de sa carrière qui arrive en l’espace de 5 ans. Nous pourrons participer aux conférences les plus prestigieuses et donner de la visibilité à nos recherches au niveau international ».
Le financement permettra également d’acheter un peu de matériel de magnétométrie, à hauteur de 80 000 € environ. Les travaux de Fabrice Pointillart bénéficient déjà d’équipements de qualité sur site, au sein d’un des plus grands laboratoires de chimie en Europe, l’Institut des sciences chimiques de Rennes.
Le projet MULTIPROSMM sera aussi l’occasion de créer de nouveaux partenariats qui apporteront leurs compétences sur les matériaux. Avec l’ENS Lyon, il envisage de tester les propriétés de ses molécules une fois intégrées dans des gels, ou encore déposées dans des objets poreux, par exemple des canaux de silices méso-poreuses. Avec l’ETH de Zurich, il étudiera la capacité de greffer les molécules-aimants sur des nanoparticules.