André Seznec affine les prédictions des microprocesseurs

Depuis 1983, André Seznec concentre ses recherches sur l'architecture des ordinateurs. Au sein d'une équipe commune Inria-IRISA, ce chercheur reconnu travaille plus précisément sur l'architecture des microprocesseurs. Il a reçu pour cela la bourse européenne ERC dans la catégorie "chercheur confirmé".
Montage - Photo André Seznec Inria/H. Raguet - Photo microprocesseur (détail) via Flickr /  Fritzchens Fritz

André Seznec, directeur de recherche Inria, se passionne pour les processeurs multi-cœurs, aujourd’hui partout présents en informatique : serveurs, PCs, mais aussi smartphones, tablettes, télévisions et tous types de systèmes embarqués. Le processeur est le « cerveau » de l’ordinateur : c’est lui qui effectue les calculs nécessaires pour exécuter les instructions, traiter les données des programmes. Les architectures « multi-cœurs » permettent de diminuer le temps de calcul des applications, en le répartissant sur plusieurs processeurs. Pour autant, on ne pourra pas diminuer indéfiniment le temps d’exécution des applications. En effet, le temps d'exécution d'une application ne peut pas être plus court que le temps d’exécution de sa partie séquentielle : ce principe est connue sous le nom de loi d’Amdahl. Si l’on fait un parallèle avec la réalisation d’un gâteau : deux cuisiniers iront plus vite qu’un seul, mais en avoir dix ou vingt ne sert à rien, car certaines tâches ne peuvent être réalisées simultanément. On ne peut pas cuire le gâteau en même temps que l’on pèse la farine pour le faire !

André Seznec s’est donné pour challenge de défier cette loi d’Amdahl, avec son équipe ALF. Il a lancé en 2011, pour cinq ans, un projet financé par l’ERC et intitulé DAL, Defying Amdahl's Law.

« Au lieu de travailler à améliorer l'architecture de la prochaine génération de processeurs multi-cœurs, pour le projet DAL nous avons choisi délibérément de nous projeter dans les générations de processeurs des années 2020 ».

9 doctorants et un prix d’école doctorale

Pour André Seznec, l'attribution de cette bourse « représente d'abord la reconnaissance des travaux que j'ai menés tout au long de ma carrière ». Après un doctorat en sciences informatiques de l'Université de Rennes I, il a rejoint le centre de recherche Inria de Rennes en 1986, avec un passage d’un an dans les laboratoires du constructeur Compaq dans le Massachusetts en 1999-2000.

« L’attribution de l’ERC offre une réelle autonomie financière à toute une équipe sur une période donnée ; il est depuis longtemps difficile de trouver des financements pour des sujets de recherche en microarchitecture haute performance. ».

Le chercheur a ainsi pu inviter des chercheurs étrangers pour des séjours de collaboration de deux à trois mois, et financer des moyens de calcul nécessaires pour ces recherches. La bourse a également permis d’intégrer dans son équipe plusieurs doctorants et post-doctorants. L’un d’eux, Arthur Perais, a été lauréat de son école doctorale pour ses travaux de thèse. André Seznec est le seul chercheur français à avoir reçu les titres d’IEEE Fellow (2013) et d’ACM Fellow (2016).

Anticiper les résultats pour accélérer le traitement des calculs

Pour calculer rapidement, les processeurs anticipent les valeurs issues de chaque calcul avant même qu’il ait commencé. « Les processeurs actuels font les calculs de manière spéculative ; cette méthode n’est efficace que si l’on ne se trompe pas trop », souligne André Seznec. On comprend bien alors l’importance des résultats du chercheur, qui contribuent à affiner ces prédictions. Il s’est également intéressé aux caches des ordinateurs, cette partie de la mémoire qui stocke des données temporairement, afin de faciliter les calculs. En proposant des stratégies de gestion de ces caches, associées à la compression de données, les travaux d’André Seznec contribuent à optimiser le fonctionnement de cette hiérarchie mémoire.

Un an après la fin de cet ERC, le chercheur continue à affiner ce travail sur les caches compressés. Parmi les nombreuses perspectives à ces recherches, « ce que j’aimerais c’est essayer de proposer une différenciation des processeurs suivant les domaines dápplication». En effet, les processeurs de smartphones ou de serveurs clouds sont aujourd’hui peu différents de ceux des PCs. André Seznec aimerait donc montrer comment décliner des architectures de processeurs mieux adaptées à chaque domaine d’application. Et continuer à les faire gagner en rapidité et/ou à réduire leur consommation d’énergie !